LEnfant
par Theodric Tessier
Celui qui court au loin.
Il ne sait pas ce qui l'attend.
Une vague houleuse et d?sertique
Semblait l'observer du haut de son raz de mar?e.
Elle le narguait, lui jetant de l'?cume sal?e.
Tandis que le grondeur tonnait,
L'enfant levait la t?te aux cieux.
Ses yeux roulaient dans les creux de son cr?ne.
Les orbites crevass?es exprimaient une tristesse
D?sordonn?e et perdue.
Lorsqu'il baissa la t?te tout ? coup, un flot des vagues jaillit
De ses yeux enflamm?s pour faire s'?cumer
Un brouillard de sel.
Il fit quelques pas.
Le flux de la mer trempait ses pieds.
Il s'enfon?a alors dans les profondeurs
De l'oc?an.
Des vagues de tristesse le submerg?rent,
Tandis qu'il essuyait ses larmes
? jamais.
Enfant,
Tu cours au loin, vers le c?t? de toi,
Attendant, dans le creux dune vague dont la cr?te fris?e retient ton regard, happ?,
Par son souffle, son sel et sa victoire.
Br?lant leau le tonnerre
Ass?ne de lumi?re
Eaux et ciels.
Tu l?ves le front, y reconna?t un mot inscrit sur la vo?te d?toiles,
comme rouleraient des yeux dans leurs orbites creuses, o? ton n?ant se glisse, vide.
Lorsque, tout ? coup, une vague plus forte, plus belle, envahit de son feu lespace st?rile
pour faire s?cumer un brouillard de sel.
Tu prends cet ?lan, le poss?des un instant et le d?passes et te jettes dans le creux lumineux
dabondance de cette nouvelle vague,
Reconnaissance dun espoir.
Un enfant court seul sur le r?cif d?sert,
Au bord de leau et du vent,
Regardant, dune t?te pench?e leau aigue-morte.
Et les algues vertes y baignent dans la d?rive.
La lune est bleue.
Presque solaire pour une nuit.
Une vague dans cette forte houle
Vient proche maintenant de lenfant,
Lui dit son front falaise,
Ses yeux ?corce de conif?res,
Son corps roseau,
Dans le reflet mat, Narcisse pi?g? des eaux.
Tout ? coup un ?clair rompt la nuit,
Empreint de blanc strident et nerveux liris de lenfant,
Etoile ? br?le-pourpoint
Pour fendre l?lan de la vague par le feu,
Et laisser sur le sable blond
Une tra?n?e de sel argent, charbon calcin?,
Mo?se sauv? des eaux.
Laube vient, lenfant va.
Comme lancre battue dune mar?e
Pli?e contre la berge,
O haute exigence du feu, br?lant,
Captive encore pr?s de la rive,
Les algues brunes renvers?es.
Exigence du feu, par la grande porte ouverte,
Le vent g?mit ? ce toit de nuit,
A cette neige de froid,
Comme le bruit de la mer, battue,
Avalanche,
Haute exigence du sol,
Terre rouge, et murs ? la chaux,
Feu qui g?mit le grand dehors,
Le recours brun de leau stagnante dans les mains, pleines de vide.
Rafales hurl?es, o? lenfant,
Ecarquillant ses yeux face aux orbites creuses,
Dans leur remuement de temp?te,
Dans leur terreau de chaud,
Comme na?tre, br?ler vif, lenfant ? genoux,
Haute exigence de la pierre qui ne dit rien,
Le vent,
La nu?e comme pour la temp?te,
Grande semence de grains,
De sables amoncel?s sur le devant dune porte ferm?e,
Qui souvre aux heures du feu.
Haut feu, travers? par l?clair, dans les orbites creus?es, regard,
Droit, plant? comme en pierre.
Haute exigence du feu.
Lenfant dans les branches comme la mer en temp?te.