Gare St Lazare
par Eleidan

Au bord des quais de St Lazare j'attends,
le train qui nous avale comme un serpent.
Derrière mes lunettes j'observe les gens
qui s'agitent dans cet univers hors du temps.

Un vagabond se trinballe à pieds nus
avec ses cheveux longs, on dirait Jésus.
Un pépé gagne sa vie au violon,
Des pièces tombent dans son bol sans fond.

Un réparateur tombe de son échelle
en se penchant pour bigler une donzelle.
Une drageur tente sa chance avec sa voisine
Qui a fait tomber volontairement son magazine.

Deux nanas gloussent sur l'autre coté,
Elles parlent pour ne rien dire comme à l'accoutumé.
Un fruitier me propose des oranges
D'une couleur bleue bien étrange.

Des amoureux s'amusent à se chatouiller,
Une mémé commence à s'en offusquer.
Un bébé me regarde avec des yeux ronds
et je me dis que la vie a parfois du bon.

Tous ces petits faits innocents
Seront emportés à jamais par le vent.
Au bord des quais de St Lazare j'attends
Que la terre cesse de tourner sur ce moment.

 

Une allumette dans la nuit
par Eleidan

Une allumette craquée dans la nuit,
Du néant ton visage surgit
Comme l'unique chose qui eut jamais existée
Au milieu de ce monde d'obscurité.

La petite flamme dansa et ondula
Comme ton corps dans mes bras.
Insaisissable et si présent,
Tu m'embrasas en me touchant.
Sans regret, mon âme se consuma sans fin,
Sans ce feu, je ne serais guère humain.

Soudain, le voile de la nuit se déchira
Comme une blessure qui s'est rappelée d'elle même.
Le vent d'hiver s'y engouffra
Emportant mes mots "je t'aime".

Et tu t'es mise à trembler, à vaciller;
La flamme a été étouffée.
La lumière a disparu,
Je ne te vois plus.

Le vent t'a aussi emportée
Me laissant seul dans les ténèbres.
A jamais l'univers s'est enveloppé
Dans son froid manteau funèbre.

Une allumette craquée dans la nuit,
Seule à lutter contre le noir,
Seule contre le désespoir,
Comme l'amour qui illumine la vie.

Si éphemère et si fragile,
Cette minuscule lumière qui flamboie,
Est isolée telle une petite île
Perdue dans un océan d'ombres en désarroi,
Qui finit par la submerger
Me noyant dans l'obscurité.