La Belle au Bois Dormant

 

 

Réécrire la légende

ui n’a jamais rêvé de se faire réveiller par le baiser d’un beau prince charmant et de vivre à ses côtés le restant de ses jours dans le plus grand et le plus impensable bonheur du monde ?
La Belle au Bois Dormant est un des contes qui a bercé l’enfance de tout un chacun. Issu des légendes d’antan, souvent plus crues et moins édulcorées que les suivantes, les versions les plus connues restent celles de Charles Perrault ou celles des Frères Grimm. La Belle au Bois Dormant est un conte qui continue à se perpétuer au cours du temps. Il fut l’objet de nombreuses réécritures littéraires et parodiques, ainsi que d’adaptations au cinéma, en danse, en musique.

L’histoire du conte : Une jeune princesse, fille unique, est ensorcelée par une fée, très vexée de n'avoir pas été conviée au baptême. La Belle est ainsi condamnée à se piquer le doigt en filant et de mourir de cet incident. Pourtant, grâce à l’intervention d'une bonne fée, au lieu de subir cette mort annoncée, elle s'endormira pour un sommeil de cent ans, au terme duquel un Prince la réveillera et s’en suivra ce qui suivra…

 

Charles Perrault contre Les Frères Grimm


On sait que La Belle au Bois Dormant est un conte connu de la tradition ancestrale. Malgré tout, la version première est celle de Charles Perrault, puis suivra celle des Frères Grimm. Charles Perrault publie les contes de ma mère l’Oye en France en 1697 et les Frères Grimm publient les contes d’enfants et du foyer en Allemagne entre 1812 et 1815. La grande différence entre ces deux versions de La Belle au Bois Dormant réside principalement dans la fin. En effet, la version de Charles Perrault ne s’achève pas comme le veut la tradition sur le beau et langoureux baiser du prince qui réveille la Belle, et encore moins par leur union. La dernière partie de l’histoire est la partie la plus sombre. La mère du prince, une ogresse, désire, en l’absence de son fils, dévorer ses petits-enfants et sa belle-fille…Bien qu’elle n’y parvient pas et que tout rentre dans l’ordre à la fin, l’ogresse est punie et châtiée. Le conte n’en reste pas moins effrayant et assez cru comparé à la version des Frères Grimm. Ces derniers, à défaut d’autres détails divergents et peu signifiants, terminent leur conte par le réveil de la princesse et par son mariage.

 

Les adaptations et autres réécritures


Adaptations au Cinéma :

En 1959, la version de Walt Disney, Sleeping Beauty, plus proche de la version de Charles Perrault, reprend l’histoire de La Belle au Bois Dormant de la façon la plus douce possible. La belle princesse Aurore est sous l'emprise d'un sort jeté par une sorcière maléfique qui la condamne le jour de ses seize ans à se piquer le doigt et à s'endormir pour une durée de cent ans. Malgré l’effort des trois bonnes fées, la prophétie s'accomplit. Le prince Philippe devra affronter un dragon et déjouer le mal pour sauver sa bien-aimée et son Royaume. Cette animation a séduit tous les enfants du monde. Dans la version originale les voix des comédiens sont celles de Mary Costa (Princesse Aurore et Rose), Bill Shirley (Prince Philippe), Eleanor Audley (la sorcière), Verna Felton (Flora), Barbara Luddy (Merryweather).

Une autre tentative d’adaptation a été faite sur grand écran par David Irving en 1987 avec pour acteurs Morgan Fairchild, Tahnee Welch, Nicholas Clay, Kenny Baker, David Hollyday, Jane Wiedlin, Sylvia Miles. Cette production américaine de Menahem Golan et Yoram Globus, dont le scénario a été adapté par Michael Berz, fut un échec et il fut peu connu, malgré tout il existe.

Adaptations littéraires :

De nombreux auteurs s’inspirent des contes de fées traditionnels et les détournent pour créer de nouvelles histoires. Ils les réécrivent en gardant le même sujet, la trame narrative et le style du conte. Parfois, certains auteurs transforment et détournent les codes du conte pour en faire un autre genre totalement différent. Toutefois, ces histoires restent des contes par les références qu’ils font aux contes d’origine. La Belle au Bois Dormant a été édité, réédité, adapté, réadapté par un grand nombres d’auteurs.

On retrouve aussi des auteurs qui ont parodié l’histoire de manière originale et personnelle, on citera non exhaustivement : Jasmine Dubé avec Grattelle au bois mordant, Gail Carson Lévine La princesse au long sommeil plus proche d’une inspiration de Charles Perrault, contrairement au roman de Yvan Pommaux plus proche des Frères Grimm. On peut évoquer aussi Songes de La Belle au Bois Dormant de Frédéric Clément, La Belle au pied sentant de Claude Delafosse, Les Contes à l’envers avec La Belle au doigt bruyant de Dumas Philippe et Moissard Boris, etc. Frédéric Clément exploite, par exemple, le texte de Charles Perrault d’une manière très intelligente et intéressante. L’auteur raconte les songes de la Belle pendant son sommeil forcé. Le conte est mis en suspens dans certaines pages, et il y intègre une vingtaine de pages composées de poèmes, de photos et de peintures. Les légendes ne s’épuisent pas.

Réécriture musicale et chorégraphique : 

On parlera forcément de Tchaikovski qui reprit le thème des contes pour écrire une musique transcendante. Il y a aussi Maurice Ravel qui a composé une œuvre intitulée Ma Mère l'Oye, une suite pour piano à quatre mains ; La Belle au Bois Dormant se transporte, de ce fait, aussi par la mise en scène et le ballet. Une création de 2000 mérite une certaine attention. Elle emprunte le thème du ballet d’après le conte de Perrault et à partir de la musique de Tchaikovski, interprétée par des danseurs russes de Ballet Plus, une compagnie du théâtre d’Ekaterinburg et chorégraphiée par Karine Saporta.

 

Pour en finir avec les réécritures :


Les véritables contes populaires ne sont pas des histoires inventées, racontées et transmises par les adultes à la seule fin de distraire les enfants. Les contes populaires et légendaires d’antan ont en eux une image de la réalité qui marque l'esprit des plus jeunes. Ils dénoncent, par le biais de leur trame, les défauts des hommes et donnent les fondements de l’« art de vivre ». Le conte de La Belle au Bois Dormant est un peu notre destin à tous. Nous recherchons notre double, notre Graal, notre prince.

Le thème de la piqûre et du sommeil restent, selon de nombreux théoriciens, le grand symbole de la séparation. Plusieurs symboles, autres morales et interprétations sont possibles à l’infini. Quelque soit la succession des adaptations, des réécritures, des ajouts ou des suppressions, cela ne brisera pas l’histoire du conte, car il subsiste simplement la vraie histoire de La Belle au Bois Dormant qui est universelle. Chacun se fait sa propre réinterprétation. Le fantasme de la Belle est en chacune de nous, tout autant que le fantasme du prince est en chacun d’eux… Reste surtout le plaisir, la peur, le merveilleux imaginaire de notre tendre enfance à jamais perpétué.

 

Michaëla Degui