Hans Christian Andersen (1802-1875)

Le Briquet

Un soldat s'en venait d'un bon pas sur la route.
Une deux, une deux! sac au dos et sabre au côté. Il avait été à la guerre et maintenant, il rentrait chez lui.
Sur la route, il rencontra une vieille sorcière. Qu'elle était laide!! sa lippe lui pendait jusque sur la poitrine.
- Bonsoir soldat, dit-elle. Ton sac est grand et ton sabre est beau, tu es un vrai soldat. je vais te donner autant d'argent que tu voudras.
- Merci, vieille, dit le soldat.
- Vois-tu ce grand arbre? dit la sorcière. Il est entièrement creux. Grimpe au sommet, tu verras un trou, tu t'y laisseras glisser jusqu'au fond. je t'attacherai une corde autour du corps pour te remonter quand tu m'appelleras.
- Mais qu'est-ce que je ferai au fond de l'arbre ?
- Tu y prendras de l'argent, dit la sorcière. Quand tu seras au fond tu te trouveras dans une grande galerie éclairée par des centaines de lampes. Devant toi il y aura trois portes. Tu pourras les ouvrir, les clés sont dessus. Si tu entres dans la première chambre, tu verras un grand chien assis au beau milieu sur un coffre. Il a des yeux grands comme des soucoupes, mais ne t'inquiète pas de ça. je te donnerai mon tablier à carreaux bleus que tu étendras par terre, tu saisiras le chien et tu le poseras sur mon tablier. Puis tu ouvriras le coffre et tu prendras autant de pièces que tu voudras. Celles-là sont en cuivre ... Si tu préfères des pièces d'argent, tu iras dans la deuxième chambre! Un chien y est assis avec des yeux grands comme des roues de moulin. Ne t'inquiète encore pas de ça. Pose-le sur mon tablier et prends des pièces d'argent, autant que tu en veux. Mais si tu préfères l'or, je peux aussi t'en donner - et combien! - tu n'as qu'à entrer dans la troisième chambre. Ne t'inquiète toujours pas du chien assis sur le coffre. Celui-ci a les yeux grands chacun comme la "Tour Ronde" de Copenhague' et je t'assure que pour un chien, c'en est un. Pose-le sur mon tablier et n'aie pas peur, il ne te fera aucun mal. Prends dans le coffre autant de pièces d'or que tu voudras.
- Ce n'est pas mal du tout ça, dit le soldat. Mais qu'est-ce qu'il faudra que je te donne à toi, la vieille? je suppose que tu veux quelque chose.
- Pas un sou dit la sorcière. Rapporte-moi seulement le vieux briquet que ma grand-mère a oublié la dernière fois qu'elle est descendue dans l'arbre.
- Bon, dit le soldat, attache-moi la corde autour du corps.
- Voilà - et voici mon tablier à carreaux bleus.
Le soldat grimpa dans l'arbre, se laissa glisser dans le trou, et le voilà, comme la sorcière l'avait annoncé, dans la galerie où brillaient des centaines de lampes. Il ouvrit la première porte. Oh! le chien qui avait des yeux grands comme des soucoupes le regardait fixement.
Tu es une brave bête lui dit le soldat en le posant vivement sur le tablier de la sorcière. Il prit autant de pièces de cuivre qu'il put en mettre dans sa poche, referma le couvercle du coffre, posa le chien dessus et entra dans la deuxième chambre.
Brrr!! le chien qui y était assis avait, réellement, les yeux grands comme des roues de moulin.
Ne me regarde pas comme ça, lui dit le soldat, tu pourrais te faire mal.
Il posa le chien sur le tablier, mais en voyant dans le coffre toutes ces pièces d'argent, il jeta bien vite les sous en cuivre et remplit ses poches et son sac d'argent. Puis il passa dans la troisième chambre.
Mais quel horrible spectacle! Les yeux du chien qui se tenait là étaient vraiment grands chacun comme la "Tour Ronde" de Copenhague et ils tournaient dans sa tête comme des roues.
Bonsoir, dit le soldat en portant la main à son képi, car de sa vie, il n'avait encore vu un chien pareil et il l'examina quelque peu. Mais bientôt il se ressaisit, posa le chien sur le tablier, ouvrit le coffre.
Dieu! ... que d'or! Il pourrait acheter tout Copenhague avec ça, tous les cochons en sucre des pâtissiers et les soldats de plomb et les fouets et les chevaux à bascule du monde entier. Quel trésor!
Il jeta bien vite toutes les pièces d'argent et prit de l'or. Ses poches, son sac, son képi et ses bottes, il les remplit au point de ne presque plus pouvoir marcher. Eh! bien, il en avait de l'argent cette fois! Vite il replaça le chien sur le coffre, referma la porte et cria dans le tronc de l'arbre :
- Remonte-moi, vieille.
- As-tu le briquet ? demanda-t-elle.
- Ma foi, je l'avais tout à fait oublié, fit-il et il retourna le prendre.
Puis la sorcière le hissa jusqu'en haut et le voilà sur la route avec ses poches, son sac, son képi, ses bottes pleines d'or !
- Qu'est-ce que tu vas faire de ce briquet ? demanda-t-.il.
- Ça ne te regarde pas, tu as l'argent, donne-moi le briquet !
- Taratata, dit le soldat. Tu vas me dire tout de suite ce que tu vas faire de ce briquet ou je tire mon sabre et je te coupe la tête.
- Non, dit la vieille sorcière.
Alors, il lui coupa le cou. La pauvre tomba par terre et elle y resta. Mais lui serra l'argent dans le tablier, en fit un baluchon qu'il lança sur son épaule, mit le briquet dans sa poche et marcha vers la ville
[…]

 

Autre biographie :

Biographie de Hans Christian ANDERSEN

 

Hans Christian Andersen est un conteur célèbre à l’image des Frère Grimm et de Charles Perrault. D’origine danoise, il est le symbole du génie populaire nordique. Né à Odense le 2 avril 1805, il est issu d’une famille démunie. Son père est un cordonnier malade et sa mère est bien plus âgée. A la mort de son père en 1816, il est entièrement livré à lui-même, et il arrête ses études. Son imagination est déjà débordante à cette époque.
Il construit seul un petit théâtre jouet et s’enferme chez lui pour fabriquer des vêtements à des marionnettes. Il est également friand d’œuvres littéraires telles celles de Ludvig Holberg et William Shakespeare. Malgré tout, son rêve premier est de devenir chanteur d'opéra et, pour cela, il part à Copenhague en septembre 1819.

Essuyant un sérieux échec, et en proie à la misère la plus noire, il finit par être admis en tant qu’apprenti danseur au théâtre royal sur recommandation. Heureusement, 1822 marque un tournant pour Hans Christian Andersen, il commence la publication de ses premiers textes. Il a son premier succès, notamment en 1830 avec Promenade du canal de Holmen à la pointe orientale d'Amagre. Il écrit ensuite d'autres romans assez autobiographiques tel L'Improvisateur en 1835 et Rien qu’un Violoneux en 1837.  En parallèle, il écrit de nombreux poèmes, des pièces de théâtre des récits de voyage, et un journal assez conséquent ; un écrivain finalement très complet.

Mais, c’est dans la période de 1832 à 1842 qu’il publie ce qui fera sa réputation, ses premiers contes merveilleux. Il voyagea beaucoup et ses contes connurent un vif succès. Sa troisième série débuta en 1845, ses contes n’ont d’ailleurs jamais été destinés à des enfants, bien que par la suite ils furent de ses plus fervents lecteurs. Hans Christian Andersen est alors très célèbre dans toute l'Europe, mais beaucoup moins, étrangement, dans son propre pays. Il fait plus tard la rencontre avec Charles Dickens qui fit de son personnage « Uriah Heep » le portrait exact de Hans Christian Andersen.

Après une longue absence, en 1857, il sort sa nouvelle Être ou ne pas être. Ses Contes sont publiés en épisodes jusqu'en 1872. On lui connaît aujourd’hui de grands contes très populaires comme, entre autres : La Petite Fille aux Allumettes (inspirée de la rude enfance de sa mère) ; Chacun et Chaque Chose à sa Place ; La Petite Sirène ; La Princesse aux Petits Pois ; Le Rossignol ; Le Vilain Petit Canard ; La Reine des Neiges ; Les Habits Neufs de l’Empereur ; etc. Ses contes et histoires diverses sont traduites dans plus de quatre-vingts langues et pays du monde entier, et inspire encore aujourd’hui les artistes tout en émerveillant petits et grands. Malheureusement, Hans Christian Andersen fait une grave chute de son lit pendant les fêtes de Noël, cette blessure l’emportera jusque dans la mort. C’est un 4 août 1875 qu’il meurt dans sa petite maison de Rolighed au Danemark. Son corps réside encore aujourd’hui au cimetière Assistens, à Copenhague.