« Je ne mérite
plus l'amitié de personne, écrit-elle;
comme l'animal blessé qui meurt dans un coin, je ne saurais chercher
d'adoucissement. »
Sand (Amandine Lucie
Aurore Dupin, dite George Sand), femme
de lettres née à Paris en 1804 et morte à Nohant le 8 juin 1876. Vivant
de sa
plume, George Sand est
une femme
incarnant de nombreuses valeurs. Elle est à la fois féministe et
idéaliste
engagée, grande amoureuse, on lui prête des
liaisons célèbres et scandaleuses, provocatrice, elle
s’affiche fumant
le cigare dans des vêtements d’homme, on l’a surnomme la
« bonne
Dame de Nohant ». Ecrivain discutant littérature et style avec
son ami
Flaubert (Correspondances en 1876 ), ou dialoguant
avec le
révolutionnaire Pierre Leroux, elle marque son siècle en ne cessant
d’écrire sa
vie durant, et s’accomplissant dans des types de prose très variés et
différents : du roman, en passant par des articles de
journaux, des
critiques littéraire, mais aussi le conte, le théâtre, ou même la
relation de voyage,
le récit autobiographique, jusqu’à la correspondance… Elle nous livre
un récit
épistolaire touchant FLAVIE, en 1866.
... Nous voici
donc bien installés à quelques milles de Florence, et, de même qu'à
Rome, je vais te faire l'historique d'une de nos journées. Tu verras
mieux ainsi mon existence que sous la forme ordinaire de petits
chapitres dont on oublie toujours les trois quarts. Du moins, c'est ton
avis, et je m'y conforme.
Ce
n'était pas plus loin qu'hier. Il faisait un vrai temps de demoiselle.
Tu sauras qu'ici, au printemps, il fait plutôt froid que, chaud. Mon
cher père avait décrété la veille que nous irions à la Chartreuse de
Vallombrosa, en passant par la villa de lady Rosemonde.
Voilà
pour toi deux noms nouveaux, deux connaissances à faire.
De la
Chartreuse, je ne te dirai rien, puisque les femmes n'y entrent pas.
Le site
et les environs sont ce que l'on appelle "infiniment pittoresques". Tu
connais mon horreur pour la description. Ouvre un "Guide en Italie", tu
en sauras plus que moi qui, tout en vivant par les yeux, j'espère,
autant qu'une autre, ne remarque pas grand'chose en particulier, et ne
retiens absolument rien qui vaille la peine d'être écrit.
De la
villa..., c'est-à-dire de lady Rosemonde***, j'ai beaucoup à te dire.
D'abord, les personnes m'intéressent toujours plus que les pierres et
les arbres, ne t'en déplaise, ma chère "artiste", et puis j'ai quelque
raison de m'intéresser à cette personne-là, puisqu'elle pourrait bien
devenir ma belle-mère.
Ah ! ah
! te voilà ouvrant tes grands yeux étonnés. Oui, vraiment, voici au
moins le trente-septième projet de mariage dont mon père croit devoir
m'entretenir : sera-ce le dernier ? Peut-être !
Bien des
choses me plaisent en "lui". D'abord, sa mère, qui est la seule
belle-mère que je puisse me croire capable de supporter ; ensuite, son
nom, qui est écossais et très illustre : ceci n'a rien de vulgaire ; -
et puis sa fortune, qui est au moins égale à la mienne, et, pour parler
le langage poétique du siècle, je ne serais pas fâchée de doubler mon
capital. Je peux te dire cela, à toi qui me connais; je n'aime pas
l'argent, mais j'adore la dépense, et je ne comprends rien aux gens qui
rougissent d'avouer cette passion. C'est la seule que je me connaisse,
et je la crois plutôt bonne que mauvaise, puisque j'aime à donner,
beaucoup plus qu'à recevoir.
Mais
continuons l'analyse des perfections de Malcolm***.
N'oublions
pas, en passant, de noter ce prénom qui me plaît beaucoup, bien que je
ne sois pas folle des romans de Walter Scott. J'en excepte Diana
Vernon, qui me parait avoir eu quelque disposition à être une fille
d'esprit dans son temps.
Ensuite,
son âge. Il n'a pas plus de vingt-trois ans. A cet âge-là, un homme
n'est pas encore trop despote, et je crois que celui-ci, habitué à ne
voir que par les yeux de sa mère, s'habituera aisément à ne pas se
croire trop supérieur à sa femme.
Ne jette
pas les hauts cris. Je ne veux pas dominer, je ne veux pas me mêler des
affaires de mon mari. Il gouvernera toutes choses comme il l'entendra ;
il aura le caractère qu'il voudra, et je ne contrarierai aucun de ses
goûts. Mais je veux qu'il respecte les miens, qu'il ne gêne aucune de
mes habitudes ou de mes fantaisies, qu'il se fie aveuglément à ma
parole qui sera chose sacrée pour moi, et qu'il me laisse mener la vie,
qui convient à mon caractère et à mes idées.
Ce n'est
pas comme cela que tu entends le mariage, je le sais. Tu pratiques et
tu prêches la soumission, l'adoration. Bien ! c'est là ton instinct :
tu es tendre. Moi, je suis juste, et ne me pique pas d'autre chose...
jusqu'à présent !
Tu vois
que, malgré la passion que j'inspire à ce beau Malcolm, car on dit
qu'il est beau, je suis calme et maîtresse de moi.
Le texte :Flavie
de George Sand
Le
texte :Pourquoi les femmes à l'académie
de George Sand
Le texte :Les femmes à l'Académie Française et les académiciens en 1863
Le portrait :George Sand
Le portrait introductif de :George Sand
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Pourquoi les femmes à l'académie ?
les femmes à l'Académie Française